Je retrouve la lumière de cuivre qui repeint chaque matin les murs et les rues de tout le Maroc. Je la connais bien : j’ai vécu quatre ans dans ce pays, je l’ai quitté il y a quatre ans, j’y suis de retour depuis hier. Accueillis à Marrakech par Hibou et Violaine qui nous ont offert le gîte avec chaleur et simplicité, nous avons, l’ami Bruno et moi, pris dès le lendemain la route du sud jusqu’à Guelmine, où Raphaël nous a rejoints quelques heures plus tard. Soirée entre amis, brève nuit dans un petit hôtel situé à quelques pas de la station de bus où nous nous sommes retrouvés. La lumière délicate des premières heures fait place à la clarté parfois féroce de la journée entamée. Approvisionnement joyeux et chaotique au hasard des boutiques rencontrées : il nous faut une bâche, du charbon, du pain, des dattes… nous trouverons presque tout. Les provisions faites, la carriole chargée, nous pouvons partir. Il est peut-être midi. La marche commence.
Vers seize heures trente nous repérons le vaste lit d’un oued asséché où nous serons vaguement protégés du vent, qui souffle de toutes ses forces. Nous arrimons nos tentes à des pierres – le sol est trop dur pour y planter des sardines – sous la lumière horizontale d’un soleil déjà couchant. Premier bivouac et premier dîner sous les étoiles. Un paysan du coin, après être venu s’assurer, serpette à la main, que nous n’étions pas des brigands, revient avec toute son hospitalité, toute sa générosité. Au fil de la conversation je lui explique dans mon arabe un peu rouillé par quatre années sans pratique que nous avons eu peur qu’il pleuve. Il me coupe : matkheftch walou, n’aie peur de rien, ne crains rien. Je le prends au mot.
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