Un dernier article pour clore ce premier épisode...qui aura duré six mois. Le cercle polaire est encore bien loin. Et la première partie du parcours comporte quelques trous. Je pense à ces 300km de désert avant Boujdour qui m'ont été sucrés par la gendarmerie. Une revanche à prendre, c'est certain. Pour ressentir à nouveau l'infinité saharienne. Me manque également le Haut Atlas, entre Agadir et Marrakech, squeezé pour cause de neige et de froid. Quelques autres trajets en bus à se faire pardonner, mais je ne perds pas de vue de remplir la mission initiale, celle de marcher du tropique au cercle. La seconde mission qui était musicale, ne sera remplie, je le sais maintenant, que partiellement. Les trois premiers mois ont été fructueux. Car les journées de marche raisonnables. Les jours de repos fréquents. Une météo, un décor, des gens parfaits. Puis l'ivresse de la marche a petit à petit pris le dessus. Les conditions ne se prêtaient parfois plus à la contemplation, à la rencontre, à la musique. Trop de pluie, quelques têtes peu avenantes et on a vite de fait de se replier sur soi même. Les endorphines deviennent alors de fidèles compagnes nocturnes, pour peu que, chaque jour, le nombre de pas soit suffisant. Enfin, l'habitude prise et la durée d'ensoleillement augmentant progressivement, trente kilomètres par étape finirent par me paraître un minimum. En mode piéton, particulièrement loin de la présence humaine, on retrouve ses cinq sens, aiguisés en permanence. La décharge émotionnelle , pratiquement constante, est infiniment nourrissante mais échappe à l'analyse. Elle se digère lentement. Et ses bienfaits se diffusent, inconsciemment. Ce qui en fait son charme. Mais ce qui m'empêche de répondre à la question qu'on pose traditionnellement au voyageur qui revient : " Qu'en as tu retenu, retiré?" . On n'explique pas le goût des gens pour la vitesse. Comment alors expliquer le mien pour la lenteur? La poésie de l' allure fondamentale se passe aisément d'explications. Et c'est bien mieux comme ça.=