Les choses qu’on a ramassées:

- Un fer d’âne qui porte bonheur, même si c’est un peu lourd.
- Plumes de bécasse – une grande et une petite : échantillons d’un tas d’oiseau mangé (une bécasse ?).
- Ficelles de diverses tailles et couleurs, ramassées depuis que Raph a expliqué que la corde rose qui traînait sur notre campement était forcément à nous puisqu’il n’y en avait pas de si belles au Maroc.
- Bouts de cahiers de brouillons bleus avec tables de multiplication et dessins d’enfants (fantasmes automobiles en général).
- Bout de papier avec traces de comptabilité, trouvé à la station de taxi de Khenisset.
- Feuille de cours déchirée, avec correction au style rouge, prélevée sur un tas de poubelle à une sortie de lycée – au col, le lycée, pour commencer la journée par un peu de sport – certainement un grand débarras de joie d’une ancienne fin d’année scolaire.
- Bulbe de plante bizarre qui a déjà bien pris en Belgique alors qu’on ne l’a pas encore plantée, ni même arrosée.
- Feuilles en plastique tirées au sens propre du faux palmier en face de notre chambre d’hôtel, alors même qu’on s’extasiait sur cette plante en si bonne santé. Comme il était impossible de les remettre, on les a embarquées.
- Bout de mâchoire de mouton et dent de la tête de vache.
- Jolis cailloux et bouts de bois qui ne sont pas décevants comme ceux du bord de mer qui perdent toujours de leur éclat quand ils sèchent.
- Branche de mimosa arrachée à un arbre. Sous l’arbre était un âne heureux – le seul parmi les nombreux ânes vus qui ait l’air en vacances, à se rouler dans l’herbe grasse à l’ombre.
- Bouton et décoration de merde en plastique.
- Sachet de gel de brillantine teintée pour cheveux noirs.
- Informations en arabe et numéro de téléphone (origine : paquet de clope ?).
- Capsule de bière rouillée parmi les très nombreuses croisées sur le bord de la route. Celle-ci est une vieille Especial.
- Gland d’arganier trouvé sous un chêne vert ? Mystère encore inexpliqué. Et un bout de liège lui parfaitement expliqué.
- Petite fleur orange séchée, bout de lavande, et deux épines de cactus géants (accessoirement cure-dents)
- Bout de règle graduée en plastique blanc.
- Bout de miroir, bout de verre dépoli, bout de plastique rouge, bout de truc métallique.
- Tube de sucette verte en plastique – ramassée alors que Raph venait de raconter que les enfants n’étaient pas obligés de faire le ramadan mais qu’ils pouvaient quand même se prendre une raclée si on les trouvait avec une sucette pendant la journée.
- Bouts de décorations féminines, en coton, en laine, en nylon.

2. Les choses qu’on aurait pu ramasser :

- Une bouteille de lait frais vendue par une fillette dans un virage que je regrette de ne pas avoir acheté tant le lait m’a manqué dans ce régime « survie » à base de fruits secs.
- Une très belle tête de vache morte qu’on se console de ne pas prendre en en prenant quelques photos.
- Une poule qui traînait dans les poubelles à Ait Ikkou, dernier « ville/village » traversé par la bande, c’est-à-dire par une rue où tout était en terre uniformément ocre, sols, murs, maisons, et même poules.
- Dans cette même ville, un bout de tissu au crochet déchiré et sale et une ancienne chaussure bateau ou un mocassin à pompon défoncé.
- Un pot de yaourt à la grenade, boisson très populaire, surtout parce que – comme nous l’a expliqué Hibou – le pot se divise aisément en deux pour se transformer en glace après quelques temps au congél.
- Un ou même plusieurs petits chiots trouvés sur le bord de la route.
- Au moins une pyramide d’oranges dans les bassines bleues vendues au bord des routes (pourquoi bleues les bassines : pour une question de couleur complémentaire ?)
- Une tête de renard écrasée, un hibou empaillé, des pattes d’animaux morts chez le marchand de grigri dans le souk de Fès. Mais on a préféré ramener un caméléon cousu de fil rouge.
- Une capote – la première et la dernière aperçue en bord de route au moment où l’on quittait les montagnes et que la ville approchait.
- Des « super babouches royales de Fès » – presque les mêmes qu’Hibou a acheté pour son père, mais en gris. C’était le lieu idéal, mais on a y a renoncé tant le shopping dans la médina est sportif – pire que de pousser une chariotte.
- Un des menus aux orthographes fantaisistes affichés à l’extérieur des restaurants (les spaguitte bolonaize ou la salade londaize).
- Un képi de gendarme royal en souvenir de notre filature – et peut-être même quelques poils de moustaches royales si Raph s’était énervé un peu plus.


3. Les choses qu’on n’aurait pas pu ramasser

- La superbe brune aux yeux verts avec son âne, venue me faire deux grandes bises en guise de bienvenue dans la maison abandonnée au sommet de la colline. Superbe fille que je suis bien sûr la seule à avoir vue de près.
- Les seize couvertures d’Ahmid – vraiment trop lourdes, même en s’y prenant à quatre –qu’on nous a apportées petit à petit dans la pièce de l’hospitalité, comme le gag de la cabine dans Une Nuit à l’Opéra des Marx Brothers, déclenchant un éclat de rire à chaque nouvel arrivage, et une légère inquiétude – jusqu’à quand nous en apporteront-ils ? En ont-ils assez pour eux-mêmes ? Inquiétude vite dissipée par un petit tour dans la pièce principale pour voir le « camion » de couvertures, disposé à la verticale sur toute la hauteur du mur et toute la largeur de la pièce.
- De très beaux arbres – eucalyptus, chênes verts, chênes lièges, et, sur la fin, amandiers et mimosas. Et partout ce genre de yuca fleuris comme des iris – dont on n’a pu prendre qu’un bulbe.
- L’air du vieux chef de la première famille venue nous offrir le thé et le pain, au milieu du premier jour de marche, quand il a accepté une figue sèche qu’il a dégustée lentement – pour mieux la savourer ou parce qu’il n’avait plus de dents ?
- Un très beau feu de bois, tout con, en rond avec de gros bouts de bois.
- Une belle cabane en osier, trop encombrante.
- Deux petits vieux se rafraîchissant avec une palme, allongés sur la pelouse au milieu de la 4 voies à Meknès.
- Des pans entiers de mosaïque blanche et bleue.
- Toutes les cigognes vues sur le bord des routes, exclusivement dans les endroits habités, aussi mal camouflées et aussi fidèles au poste que la police et la gendarmerie réunies.

4. Les choses qu’on aurait pu laisser là-bas :

- A défaut de l’anorak qu’a demandé une vieille à Raph au bord de la route à la sortie de Oued Zem, un pull, une polaire, des gants ou le K-way évidemment inutile.
- Un petit quelque chose pour le gamin qui accompagnait son père venu nous surveiller au coin du feu et au fond de la rivière, qu’on a fini par congédier sèchement.
- Davantage de sachets de Vache qui rit sur le bord du chemin – au lieu de bêtement les brûler.
- Un dessin qu’on aurait pu faire sur les panneaux électoraux : à l’encre bleue, un signe pour un parti. C’est pourtant pas l’inspiration qui manque en ce moment.
- Un quelque chose, un papier avec un sourire, un merci non écrit, un paquet de gâteaux, en rendant la théière offerte au matin et contenant du lait chaud épicé et sucré, qu’on n’a pas réussi à rapporter à son propriétaire et qu’on a laissée devant notre campement.
- Davantage de questions, de soucis et d’angoisses qu’on aurait pu laisser sur le bord de la route en échange de tout le reste.


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