A l'heure du Ftor (petit déjeuner) un représentant des autorités est déjà en piste. Son allure ne peut faire croire à une grande crédibilité : 1,60m, 50kg, survet', claquettes, mobylette... difficile de se sentir plus en sécurité. Voilà donc mon premier lutin. Il attendra en bord de piste jusqu'à ce que trouve un transport direction Ait Moussa. C'est fait, voilà une R19, année 1991. Je paye le prix fort pour ne pas attendre pendant trois heures. 40mn de trajet. A peine sorti du carrosse, un villageois insiste pour savoir où je vais. Ma réponse est déjà prête : "nichane" (tout droit) Une réponse aussi claire qu'évasive. Je choisis le chemin muletier plutôt que la piste. Le village suivant en est de suite averti grâce à un réseau téléphonique très efficace, même dans des vallées apparemment isolées. La ballade commence sous un soleil de plomb, à midi, par 15km de montée. Et voilà que le deuxième lutin apparaît. Bien évidemment, et dans un esprit d'ado attardé, c'est le moment que je choisis pour faire une pause, en plein soleil. Notre ami me propose gentiment de le suivre. Je décline poliment son invitation, préférant marcher seul en prenant le temps de m'arrêter où bon me plaît. Après un court compte-rendu téléphonique, mon garde du corps fait demi-tour, quelque peu désarçonné par ce touriste original qui parle quelques mots d'arabe mais ne semble comprendre que ce qu'il veut. L'ascension continue, je retrouve une piste à peu près carrossable. En tous cas suffisamment pour qu'un troisième lutin surgisse en scooter. Moustache et gandoura, spécimen plutôt classieux. Et un deux-roues de bonne facture. Lui aussi s'intéresse à ma destination. Je réponds cette fois par le "très loin" : " Oukaimden " à 150km d'ici... Ce qui ne lui donne pas plus d'informations quant à mon itinéraire que " tout droit ", pour ma plus grande satisfaction. J'atteint le sommet de la côte en fin d'après-midi. Un plateau à 1800m d'altitude. Quelques arbres, des bosquets. Du plat, de quoi faire un feu. Une vue sur toute la vallée. Parfaite halte pour une nuit. Mon ange gardien finit par me retrouver au milieu des buissons. Une dernière tentative pour que je me rapproche de la prochaine ferme, d'où il pourrait me surveiller sans effort. Je le remercie et le congédie à grands coups de sourires. J'en rajoute une couche sur la beauté de ce spot. Le clou est enfoncé. Il a compris. Je ne bougerai pas. Soupe chinoise au fromage de brebis et thym sauvage. Coucher de soleil de carte postale. Pleine lune pour fullmoonistes.

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