Je quitte ma plaque de verdure peu après les premiers rayons du soleil. Et retrouve cailloux et chardons. Au niveau de la crête, le sentier n'est plus visible, les chèvres peuvent se disperser. Mais je ne suis pas une chèvre et chaque appui demande concentration, l'entorse à la cheville serait mal venue dans ce genre de décor. Personne, pas un bruit. 2000m d'altitude. Pas d'eau. Pour une montagne marocaine, l'anonymat absolu, la sécheresse garantissant une tranquillité totale. J'improvise mon chemin, la visibilité me facilite la tâche. La crapahute caprine prend fin en milieu d'après midi.

Pour l'heure suivante, ce sera canyoning, il s'agit maintenant de descendre la rivière. Parfois, un petit filet. Parfois, beaucoup d'eau. Abrupt. Glissant. Un kilomètre, une heure. Et je n'éviterai pas la chute, dans l'eau. Heureusement plus ridicule que lourde de conséquence. Une teinture ocre, un look d'enfer. Un Peau Rouge au fond d'un canyon. Le western se termine à la vue de la route. Je m'organise un goûter/réunion pour faire un point kilométrique de ce périple.

Il sera bien difficile de rallier Demnate et les 60km qui m'en séparent encore. C'est ce qui apparaît. Je calcule à la louche une grosse vingtaine d'heures de marche en tenant compte du dénivelé. Trois jours. Un de trop pour le créneau de cette année. Agacé, je me replonge dans l'analyse du tracé. Le trajet prévu ne présente pas d'échappatoire, donc un risque de ne pas trouver de transport. Et de rater l'avion du retour. Les quêtes du pélerin se limitent à l'essentiel, eau, nourriture, abri, des besoins vitaux. L'homme moderne a su se prémunir de la soif, de la faim et du froid. Mais non sans se soumettre au temps qui lui impose sa dictature. Et me voilà au garde à vous. Sous le joug d'un tyran invisible et sans pitié. Acceptation ou Opposition. Je choisis la première des deux mauvaises solutions. Un nouveau Plan B... J'opte pour la version luxe. Je me souviens qu'il y a une Kasbah à Ait Oumghar, pas si loin d'ici. je récupère par texto le numéro, réserve et me félicite d'avoir débusqué cette chic alternative. Quelques kilomètres de route, puis de piste.

J'avale la route. A l'intersection, j'aperçois la Terre Promise, Ait Oumghar, un tout petit village.

J'avale la piste. A la tête des premiers habitants que je croise, je comprends que je fais fausse route. Les sourires répondent à mes questions. j'ose finalement l'usage de la parole pour me renseigner, prêt à la déception. J'avais mal jaugé de la puissance homonymique du nom du patelain. Ailleurs, et sûrement pas bien loin, se cache un autre Ait Oumghar qui m'attendra en vain. Pas de lit, pas de douche, pas de tajine, pas d'eau minérale. Une tente, un bout de fromage et de l'eau de rivière. Je retourne ma casquette et redeviens un bédouin, je ne suis déjà plus déçu.

Le temps de trouver un spot au relief intime, de planter quelques sardines en titane et tout le monde se fait la malle.

Le soleil derrière l'horizon.

Le bédouin dans son duvet.

Sans chemise, sans pantalon.

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