08oct. 2018
Francis La Lame
17:12 - Par Raphaël Talis - aucun commentaire
Autoroute Lyon-Paris, TGV, champs de patates, de maïs... Demandez le programme jusqu'à Semur en Auxois...
Le long de la ligne à grande vitesse, un gros sac poubelle. J'ose le toucher du bout du pied. Un cadavre à l'intérieur. Je passe mon chemin sans vouloir en connaître la nature...
La voie ferrée désaffectée et sa trajectoire directe, qui m'apparaissait d'abord comme la bonne idée de la journée, s'avère impraticable au bout de quelques centaines de mètres. À moins d'être en possession d'une machette. La taille des ronces traduisent une utilisation précolombienne de ces rails... Et je choisis bêtement de longer la départementale pour les dernières longueurs, renonçant tristement à la poésie post-industrielle du chemin de fer abandonné.
Semur en Auxois me réjouit. La désuétude encore. Mais non sans charme. Château, belles bâtisses, sols pleureurs. Je sillonne la vieille ville de bas en haut avant d'atteindre mon hôtel et me réconcilie avec cette journée.
Au Bar de la Poste, la bière est fraîche. L'allure du client suivant l' est nettement moins. Vieux punkrockeur androgyne rescapé d'années d'acide. Collant moulant, rangers aux pieds, chevalières aux doigts, sous-pull panthère, sac de babeloche à clochettes en bandoulière et lunettes de soleil façon David Bowie. Un look aussi inclassable que dégueulasse. Mais très travaillé, le bonhomme sent bon et veut être vu. Complètement givré, en phase avec son accoutrement, il dit à peu près n'importe quoi et interpelle les premiers amateurs d'apéritifs qui finissent tout juste leurs journées de travail. Il veut que tout le monde soit " punk " et chaque nouvel arrivant a le droit a son sermon, la gêne est palpable devant l'agressivité de la requête. Tout le monde semble connaître l'individu. Une star locale donc. Qui sort son couteau à qui veut bien le voir. Un exhibitionniste de la lame. Les gens du coin s'écartent et sourient. Politesse méfiante.
Visière enfoncée, je règle mes dettes et fuis l'onde malfaisante de ce dégénéré. Direction resto.
Le revoilà alors que je trempe mes lèvres dans un expresso. Il se fait refouler, il est 21h. Il menace le patron. Je me lève et m'interpose pour payer mon repas. Il dit vouloir tout défoncer. Je fixe son regard, lui annonce qu'il n'en sera rien et qu'il ferait mieux de faire demi-tour, à moins de consentir à oublier pour toujours le bonheur de croquer dans une pomme. L'intimidation porte ses fruits, il dégage. Le patron se déride, m'offre le café.
L'orage est passé. Les clients attablés relèvent fébrilement les yeux de leurs smartphones.
Je lève le camp. Comment croire à la poésie du réel?
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