Le spleen des deux derniers jours s’en est allé avec le mauvais temps. Le moral regonflé, j’avale mon petit déjeuner en préparant ma lunch box. Je me suis maintenant fait à l’idée de ce programme exclusivement touristique. La ponctualité du taxi sera d’une précision chirurgicale et j’arrive à la cahute pour retirer mon billet avec une avance princière. Deux jeunes sœurs blondinettes s’agitent derrière le guichet avant l’ouverture, imminente. J’arrive preum’s au comptoir pour me faire dire, avec un grand sourire, que j’ai acheté un billet aller-retour dans la journée pour Vlieland. Un trajet uniquement destiné aux piétons, aucun vélo à bord. J’ai déjà compris que je ne serai pas de ce voyage sans bagage. J’explique mon désarroi , ayant réservé un ticket pour Terschelling. J’exagère un peu en disant avoir payé mes trois prochaines nuits de camping, ce qui est faux. Le premier verdict est sans appel, je ne pourrai embarquer que demain et moyennant surcoût. Prenant une tête la plus déconfite possible, je déroule mon argumentaire d’idiot du village. Pas de site en anglais, je confesse avoir fait n’importe quoi. Les sœurs se réunissent et se parlent inutilement à voix basse car même à faible volume, leur langue me reste étrangère. De cette discussion jaillit la solution, je vois qu’elles ont pris pitié. Elles me trouvent une place pour 17h aujourd’hui et cette fois, je pourrai embarquer ma charrette. Pas de surcoût, sympa. Elles s’assurent toutefois que la largeur de mon engin corresponde avec celle de la passerelle menant au navire. Validé.

Le timing de la journée a maintenant bien changé. Je refais les calculs. C’est serré. Peut être pas faisable, en tous cas, millimétré. Qu’on se le dise, le Waddentaxi partira pour Terschelling à 19h05 du port d’ Oost Vlieland. Une demi-heure de bateau jusqu’à Vlieland. Une demi-heure de camion pour traverser la partie sableuse de l’île jusqu’à l’ancienne maison de poste. Restent 45 minutes pour rallier le port à huit kilomètres, impossible. Je réserve un taxi, c’est la journée. Il est maintenant 10h, quartier libre jusqu’à 16h.

Je comprends pourquoi De Cocksdorp était complet. Le village est aussi minuscule que charmant. Je m’y offre une flânerie digne de ce nom et quelque rafraîchissement. La journée s’écoule doucement, comme il se doit quand on est en vacances. La côte Nord-Est de Texel est inspirante, bien plus sauvage que ce que j’avais vu jusqu’alors.

Je m’habitue peu à peu à ne plus marcher, mais ça fait quand même un vide. Je tente de justifier ici ma présence immobile, mon logiciel était conçu pour avancer, j’attends la mise à jour.

Enfin l’heure du bateau Playmobil est arrivée !! Une séance de pilotage s’impose avant de monter, cent mètres sur la passerelle. Pas d’autre choix que celui du compas dans l’œil. Nous larguons les amarres. Nous quittons Texel. Un phoque tourne autour du bateau, tout devient féerique, on se sent loin, quelque part et nulle part, un monde sans repère. Je me laisse aspirer par cette bouffée délirante jusqu’à voir le sable jaune de Vlieland. L’épreuve de force pour débarquer vélos et remorques ramène tout ce beau monde à une réalité moins poétique. L’entraide est de mise et tout se passe bien moyennant sueur. Les pieds dans le sable, on rechargera le tout dans un poids lourd de type Paris-Dakar, adapté aux sols meubles. Petit speech de bienvenue de la part du chauffeur, le gars a de l’humour, parfait. Trente minutes folkloriques entre secousses et rebonds. La plage n’en est pas une, il s’agit d’un banc qui représente le tiers de la surface de l’île, un petit désert, simplement magnifique. Tout le monde débarque sur ce confetti au parfum de bout du monde.

Le taxi m’appelle pour me signaler son retard…d’une minute! En dix minutes de trajet jusqu’au port, j’ai le temps de comprendre l’essentiel. Vlieland est petite, sauvage et peu peuplée, que de bons critères…Le chauffeur me dépose au charmant petit port de plaisance, m’indique le minuscule Waddentaxi pour Terschelling. Arrivé devant le ponton cinq minutes avant le départ , je comprends immédiatement que je ne ferai pas partie du voyage. L’accès se résume à une ouverture de 50cm dans la coque du navire, située à 1,50m au dessus du quai. Le capitaine, patibulaire au possible, me fait bien comprendre qu’il ne faudra pas compter sur son aide pour faire passer mes cinquante kilos à bord. Mais bien qu’en pleine déconvenue, j’affiche un sourire plus large que la porte du bateau, Vlieland m’a tout de suite fait vibrer, maintenant, elle me retient. Je suis un otage heureux, percuté de plein fouet par le syndrome de Stockholm.

Je fête cette merveilleuse rétention en sirotant une bière au goût de victoire. Il est maintenant 20h, je ne sais pas où dormir mais la pinède est toute proche, prête à m’accueillir, je le sais, je le sent. Quelques centaines de mètres à s’enfoncer dans la forêt, clairsemée comme celle des Landes. Je monte ma tente à la tombée de la nuit en sifflotant, détendu. A Vlieland, j’ai trouvé mon paradis pour en terminer avec cette longue marche.

Un petit bout du monde propice à l’introspection.

En m’endormant, je me souhaite Bonnes Vacances.

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