La couverture nuageuse de la veille recouvre encore le ciel et c'est dans une brume humide que nous ficelons nos bagages. Nos premiers pas en terre basque nous mènent jusqu'à Roncesvalles (Roncevaux) entre France et Espagne. Le village est un carrefour à pélerins et il est de bon ton d'avoir une coquille accrochée à son sac. Adeptes du "fait maison", nous laissons à Jacques son chemin, préférant l'anonymat de notre parcours original. Nous faisons le plein de caféine, de protéines et d'eau. Le soleil fait quelques timides percées et nous nous demandons si ce brouillard finira par se dissiper. Quelques kilomètres de route avant de bifurquer à l'ouest en direction de la frontière, que nous longerons toute la journée par le sentier des contrebandiers. A l' heure de la pause méridienne, quelques rayons de soleil percent péniblement, fournissant encore l'espoir d'un ciel dégagé. La température élevée et l'hygrométrie automnale rendent l'air suffoquant. La faible visibilité ne décuple pas le plaisir non plus. Seul le GPS semble pouvoir jouir des plaisirs de la promenade, puisque nous nous trouvons sur le tracé prévu et que c'est la seule façon pour lui d'exprimer sa joie.

Des vestiges d'un autre temps trônent encore dans le paysage : des bornes frontières le long d'un barbelé, des abris militaires pour intercepter ceux qui pensaient trouver de l'autre côté un monde meilleur. Rétablir ce genre de frontières serait de la folie, et je pense à la connasse de St Cloud qui a réussi à faire croire à certains idiots que ce serait possible. Je lui pisse symboliquement à la figure, d'un jet d'urine européenne qui chevauche les deux frontières. La brume électrique est toujours aussi dense. Notre promenade ressemble à une interminable partie de Colin Maillard. Nous ne verrons pas la Vallée des Aldudes qui promettait pourtant de belles fractures des paupières. La clôture matérialisant la frontière est notre fil d'Ariane, le triangle du GPS pointant notre position l'ultime recours. Ce chemin de crêtes est un hammam, l'humidité picote les bras comme les fourmis après un engourdissement. Mais en fin d'après-midi, il n'y a plus de bois pour alimenter le four de notre bain maure et la sensation de froid accentuée par le vent qui maintenant se lève nous pénètre jusqu'à l'os. Deux chutes consécutives traduisent une certaine fatigue. Sensible chute également du baromètre du moral. Impossible de repérer un spot pour la nuit, il nous faut redescendre pour au moins s'abriter du vent glacial. Chose faite en choisissant l'option du léger détour. Un chemin serpente jusque dans la vallée, côté espagnol. Au deuxième lacet, on pose notre fardeau de contrebandier. Je n'ai qu'une idée en tête, faire du feu. Chaussures et chaussettes sont trempées. Ma bougie de secours permettra de faire prendre les premières brindilles. Un peu de chaleur, une présence rassurante.

Nous sommes les seuls animaux à pouvoir accomplir ce miracle et quand la flamme apparaît, la magie opère, invariablement.

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