On change de mois, on change de semaine, fin de la sixième sans que je n’y prête vraiment attention. Une parenthèse en marge de la vitesse du monde. Des jours entiers à être le plus lent. Mais comme l’escargot, je ne recule jamais. Et le fait de mettre un pied devant l’autre procure systématiquement la sensation d’avancer. Le progrès est facilement palpable, mesurable. Et c’est gratifiant, contrairement à beaucoup d’activités de la vie normale. Je repars donc rassuré par l’inconnu.

La sortie de la ville de Vlissingen est magnifique, la piste cyclable alternant entre devant et derrière une dune qui semble en ce plat pays une chaîne de montagnes. Quand le chemin s’enfonce un peu dans les terres, l’ambiance change. Beaucoup de plagistes à vélo, des campings, des villages de vacances. Villages des fois si grandes qu’on dirait un vrai. Un monde artificiel où rien ne manque. Seule l’absence d’église rappelle cette réalité factice. Et, chance dans le malheur, c’est au beau milieu de ce Club Med géant et ouvert sur l’extérieur que la carrossa choisira de faire des siennes. Je reconnais le cliquetis des rayons qui se desserrent, prémices d’une avarie de plus grande ampleur. La visite chez le docteur s’impose. Et contrairement à notre pays, royaume de l’auto, ici, pas de désert médical quand il s’agit de bicyclettes. Moins de 500m et voilà l’atelier, du calibre d’un garage pour véhicules à moteur. La première série d’examens révèle une voilerie des deux roues latérales. Je paye pour les premiers soins et demande du même coup pour le changement des deux pneus, usés jusqu’au fil. Une demi-heure au bloc opératoire et la charrette ressort fringuante, à la limite du sourire aux lèvres car la boutique ne propose que le meilleur modèle de pneumatiques. Nous fêtons ce reboot par un délicieux sorbet. Un peu retardé, je dévie de mon trajet prévu et coupe par l’intérieur. Je rencontre Patrick chez un dealer de frites. Il est interpellé par mon accoutrement et me pose un tas de questions auxquelles on est plus habitué au Maroc. Il m’avoue être sorti récemment du coma après être resté plusieurs mois entre la vie et la mort. Après cet événement, il ne sait par où commencer cette nouvelle vie. Je lui fais partager ma recette, qui n’est que personnelle : bien réfléchir à ce qu’on veut puis y mettre du cœur et du temps, évidemment sans garantie de succès. Cette journée n’avance pas et je dois m’arracher de la terrasse après la deuxième bière pour les derniers kilomètres. Jusqu’à mon mini camping, le Shalom pour ce soir!

Pour autant pas non plus l’ambiance d’une bar mitzvah.

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